* Dispositions légales européennes
Conformément à la directive européenne 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise (JO L 77, p. 36), il est tout à fait possible d'exercer de façon permanente la profession d’avocat (à titre indépendant ou salarié) dans un État membre autre que celui dans lequel la qualification professionnelle a été acquise. L’autorité compétente de l’État membre où l’avocat s’établit procède à son inscription au vu de l’attestation de son inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre où il a obtenu le titre.

* Les faits
Après avoir obtenu en Italie leur diplôme universitaire en droit, deux ressortissants italiens (MM. Angelo Alberto et Pierfrancesco Torresi) ont obtenu un diplôme universitaire en droit en Espagne. Le 1er décembre 2011, ils ont été inscrits en tant qu’avocats au tableau de l’Ilustre Colegio de Abogados de Santa Cruz de Tenerife (barreau de Santa Cruz de Tenerife, Espagne). Le 17 mars 2012, ils ont demandé au conseil de l’ordre de Macerata (Italie) leur inscription à la « section spéciale du tableau des avocats ». Cette section regroupe les avocats titulaires d’un titre délivré dans un État membre autre que l’Italie, mais établis dans ce pays. Le conseil de l’ordre de Macerata ne s’étant pas prononcé dans le délai prescrit, MM. Torresi ont saisi le Consiglio Nazionale Forense (conseil national italien de l’ordre des avocats, « CNF ») pour que celui-ci se prononce sur leurs demandes d’inscription. Le CNF considère que MM. Torresi ne peuvent pas se prévaloir de la directive sur l’établissement des avocats si l’acquisition du titre en Espagne a pour seul but de contourner le droit italien sur l’accès à la profession et constitue ainsi un usage abusif du droit d’établissement.

* Décision de la CJUE
''Le fait de revenir dans un État membre pour y exercer la profession d’avocat sous le titre obtenu dans un autre État membre ne constitue pas une pratique abusive. Pour les ressortissants de l’Union, la possibilité de choisir l’État membre dans lequel acquérir leur titre et celui où exercer leur profession est inhérente à l’exercice des libertés fondamentales garanties par les traités.'' Dans ce contexte la Cour rappelle que "la constatation de l’existence d’une pratique abusive requiert un élément objectif (à savoir que le but poursuivi par la réglementation de l’Union ne doit pas avoir été atteint malgré le respect formel de celle-ci) et un élément subjectif (à savoir qu’une volonté d’obtenir un avantage indu doit apparaître)." En l'espèce l'abus ne peut être retenu. En effet "dans un marché unique, la possibilité pour les ressortissants de l’Union de choisir l’État membre dans lequel ils souhaitent acquérir leur titre et celui où ils ont l’intention d’exercer leur profession est inhérente à l’exercice des libertés fondamentales garanties par les traités. Le fait pour le ressortissant d’un État membre, titulaire d’un diplôme universitaire obtenu dans son pays, de se rendre dans un autre État membre afin d’acquérir le titre d’avocat et de revenir par la suite dans son pays pour y exercer la profession d’avocat sous le titre professionnel obtenu dans l’autre État membre est la concrétisation de l’un des objectifs de la directive et ne constitue pas un usage abusif du droit d’établissement."

* Petite réflexion
Chaque Etat est libre de réglementer l'accès à la profession d'avocat. Ainsi au Luxembourg il convient de réussir le CCDL (cours complémentaires de droit luxembourgeois), d'effectuer un stage judiciaire et de réussir l'ensemble des examens. A mon humble avis, cette liberté ne doit néanmoins pas obstruer la libre circulation des individus ainsi que le droit au travail. Il y a deux visions antagonistes qui s'affrontent. Du point de vue national, il incombe aux étudiants de suivre une formation adéquate permettant de répondre principalement aux besoins locaux-nationaux. Ces besoins peuvent varier d'un Etat à l'autre et il est donc normal que les dispositions règlementant l'accès à diverses professions suivent le même sort. D'autre part nous avons cette formidable construction européenne avec la libre circulation des individus, des capitaux et des marchandises. Le monde a évolué, les cultures se mélangent et les flux migratoires inter-européens sont devenus la norme. Le droit à une vie privée (et donc à une vie de famille paisible) ne doit pas être obstrué par des considérations nationalistes. Il est tout à fait normal qu'un médecin français puisse exercer son art en Allemagne ou bien en Belgique. Cette décision peut être motivée par des raisons familiales, personnelles etc. La CJUE rappelle dans cet arrêt que les fondamentaux européens ainsi que la liberté individuelle priment sur les droits nationaux qui ne peuvent imposer de restrictions motivées par des considérations futiles.

Retrouvez l'arrêt en suivant ce lien: http://curia.europa.eu/juris/docume...