* En l'espèce (les faits)

Situation légale en Allemagne

En Allemagne, les étrangers qui entrent sur le territoire national afin d’obtenir l’aide sociale ou dont le droit de séjour découle du seul objectif de la recherche d’un emploi sont exclus des prestations de l’assurance de base (« Grundsicherung »), lesquelles visent notamment à assurer la subsistance des bénéficiaires.

Le contexte litigieux

Le Tribunal social de Leipzig (Allemagne) est saisi d’un litige opposant deux ressortissants roumains, Mme Dano et son fils Florin, au Jobcenter Leipzig, lequel a refusé de leur octroyer des prestations de l’assurance de base1. Mme Dano n’est pas entrée en Allemagne pour y chercher un emploi et, bien qu’elle demande les prestations de l’assurance de base réservées aux demandeurs d’emploi, il ressort du dossier qu’elle ne recherche pas d’emploi. Elle n’a pas de qualification professionnelle et n’a jusqu’ici exercé d’activité professionnelle ni en Allemagne ni en Roumanie. Elle et son fils vivent au moins depuis novembre 2010 en Allemagne où ils habitent chez une sœur de Mme Dano, laquelle pourvoit à leur alimentation. Mme Dano touche, pour son fils, des prestations pour enfant d’un montant de 184 euros ainsi qu’une avance sur pension alimentaire d’un montant de 133 euros par mois. Ces prestations ne sont pas en cause dans la présente affaire.

En réponse aux questions du Tribunal social de Leipzig, la Cour juge par son arrêt de ce jour que, pour pouvoir accéder à certaines prestations sociales (telles que les prestations allemandes de l’assurance de base), les ressortissants d’autres États membres ne peuvent réclamer une égalité de traitement avec les ressortissants de l’État membre d’accueil que si leur séjour respecte les conditions de la directive « citoyen de l’Union ».

À cet égard, la Cour rappelle que, selon la directive, l’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder une prestation d’assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour.

Lorsque la durée du séjour est supérieure à trois mois mais inférieure à cinq ans (période qui est en cause dans la présente affaire), la directive conditionne le droit de séjour au fait notamment que les personnes économiquement inactives doivent disposer de ressources propres suffisantes.

* Solution de la CJUE

La directive cherche ainsi à empêcher que les citoyens de l’Union économiquement inactifs utilisent le système de protection sociale de l’État membre d’accueil pour financer leurs moyens d’existence. Un État membre doit donc avoir la possibilité de refuser l’octroi de prestations sociales à des citoyens de l’Union économiquement inactifs qui exercent leur liberté de circulation dans le seul but de bénéficier de l’aide sociale d’un autre État membre alors même qu’ils ne disposent pas de ressources suffisantes pour prétendre à un droit de séjour ; à cet égard, chaque cas individuel doit être examiné sans prendre en compte les prestations sociales demandées.

Dans ces conditions, la Cour décide que la directive « citoyen de l’Union » et le règlement sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui exclut les ressortissants d’autres États membres du bénéfice de certaines « prestations spéciales en espèces à caractère non contributif », alors qu’elles sont garanties aux ressortissants nationaux qui se trouvent dans la même situation, dans la mesure où ces ressortissants d’autres États membres ne bénéficient pas d’un droit de séjour en vertu de la directive dans l’État membre d’accueil.

Enfin, la Cour rappelle que le règlement sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ne régit pas les conditions d’octroi des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif. Comme cette compétence appartient au législateur national, ce dernier est également compétent pour définir l’étendue de la couverture sociale assurée par ce type de prestation. Par conséquent, en fixant les conditions et l’étendue de l’octroi des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif, les États membres ne mettent pas en œuvre le droit de l’Union, de sorte que la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’est pas applicable. En ce qui concerne Mme Dano et son fils, la Cour observe qu’ils ne disposent pas de ressources suffisantes, si bien qu’ils ne peuvent réclamer un droit de séjour en Allemagne en vertu de la directive « citoyen de l’Union ».

Partant, ils ne peuvent pas se prévaloir du principe de non- discrimination consacré par la directive et par le règlement sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

Commentaire personnel

La montée des parties eurosceptiques dans les Etats membres a certainement influencé la solution de la Cour. En effet, dans le contexte économique actuel (de crise économique) il convient de donner une impulsion visant à calmer les détracteurs européens. Bien que la plupart des politiques saluent cette jurisprudence, je me demande néanmoins si dans l'esprit de fraternité européenne il ne convient pas de partager les richesses avec les plus démunis. Cela ne signifie pas qu'il faille donner un blanc seing à toute personne ne souhaitant pas contribuer à la prospérité de l'Etat membre d'accueil. L'esprit européen ne réside-t-il pas dans le fait de vivre ensemble en paix sur tout un continent? De s'entraider? Espérons que cette restriction jurisprudentielle ne soit pas le début d'une croisade anti-sociale.

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