La force majeure: cause d’exonération de responsabilité
Par gbarbabianca le lundi, 23 novembre, 2015, 17h43 - nationales - Lien permanent
Art. 1147 du code civil luxembourgeois
Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Conformément au code civil, la responsabilité du débiteur d’une obligation ne peut en principe être engagée dès lors que l’inexécution de son obligation est due à une cause étrangère. Le lecteur pensera immédiatement à la force majeure qui permet ainsi au débiteur (celui qui s’est engagé envers une autre personne) de se dédouaner. Cette cause d’exonération joue tant au niveau de la responsabilité civile contractuelle qu’au niveau de la responsabilité civile délictuelle.
Or, qu’est-ce que la force majeure ? La force majeure se caractérise essentiellement par la réunion de trois caractères cumulatifs :
a) L’irrésistibilité
b) L’imprévisibilité
c) L’extériorité
L’irrésistibilité
« A l’impossible, nul n’est tenu ». C’est ainsi qu’il est possible de résumer cette condition principale. En effet, est irrésistible l’événement insurmontable. L’irrésistibilité s’apprécie par rapport à l’individu ordinaire et normalement diligent.
L’imprévisibilité
Pour que ce caractère soit vérifié, encore faut-il que l’événement potentiellement constitutif d’un cas de force majeure n’ait été prévisible. L’imprévisibilité de l’événement s’apprécie au moment où le débiteur s’engage envers le créancier de l’obligation (p.ex. au moment de la conclusion du contrat). L’imprévisibilité s’apprécie également par rapport à l’individu ordinaire, normalement diligent en l’occurrence le bon père de famille.
L’extériorité
Cette notion est assez vague, voire indéfinissable. Afin que l’événement puisse relever de la force majeure encore faut-il qu’il s’impose au débiteur et que ce dernier n’ait aucune emprise sur l’événement.
Notons qu’il est loisible aux parties de déterminer les contours de la force majeure étant donné que ce concept n’est pas d’ordre public. Ainsi sa définition (et par conséquent les hypothèses relevant de la force majeure) peut être étendue consensuellement.
Quelques exemples
Les événements de la nature (certaines décisions parlent de « cas de force majeure » au sens d’événement de la nature) ne peuvent être constitutifs de la force majeure (au sens d’événement imprévisible et irrésistible) qu’à la condition de revêtir « un caractère tout à fait exceptionnel (...); qu’un événement de la nature (tel que le verglas, la tempête, le vent, les chutes de neige, les inondations, etc.) ne saurait de façon générale et absolue constituer le fait imprévisible et inévitable caractérisant la force majeure mais qu’il faut l’apprécier selon l’heure, la date, le lieu et les conditions météorologiques générales de la région; qu’il faut en un mot que cet événement constitue un effet de surprise. » Tel peut être le cas lorsqu’une tempête, par sa violence et son étendue, dépasse de façon certaine la normale des troubles atmosphériques auxquels un propriétaire de la région peut s’attendre. Lorsque la tempête revêt les caractères de la force majeure, le présumé responsable est totalement exonéré.
A propos d'un accident mettant en présence un automobiliste et un enfant sortant à bicyclette de la cour de récération d'une école, la Cour d'appel a caractérisé l'imprévisibilité de la manière suivante: « L'on ne saurait effectivement exiger qu'un automobiliste surveille constamment et simultanément tous les angles de vue possibles » et a approuvé les premiers juges d'avoir relevé que « l'imprévisibilité du cas de force majeure ne s'analyse pas en une vague possibilité théorique de réalisation de n'importe quel accident, sinon tout accident serait toujours prévisible de quelque manière. »
(Droit des obligations au Luxembourg - Principes généraux et examen de jurisprudence, Olivier Poelmans, ed. Larcier, Journaux des tribunaux)
Cour d'appel, 29 juin 2003, n° de rôle 13625
Cour d'appel, 22 juin 1994, n° de rôle 14159
Cour d'appel, 11 mai 2005, n° de rôle 29096